“En venant ici ce soir vous rendez possible une expédition pour la vie, pour la paix”

Irving Stowe, Co-fondateur de Greenpeace
Vancouver, octobre 1970

C’était le 16 octobre 1970 et l’atmosphère était électrique. 10 000 personnes remplissaient le Pacific Coliseum à Vancouver, attendant de voir apparaître Phil Ochs, Chilliwack, James Taylor et Joni Mitchell. Le concert avait été organisé par le comité Don’t Make a Wave, un petit groupe fondé par Irving et Dorothy Stowe ainsi que Jim et Marie Bohlen, pour financer ce qui allait devenir la première action de Greenpeace envoyer une douzaine d’activistes, à bord d’un chalutier, à Amchitka, une île du sud-ouest de l’Alaska. L’objectif? Arrêter un essai d’armes nucléaires. Ce soir-là, ils et elles ont récolté 17 164 dollars et ont contribué à lancer un mouvement qui allait changer le monde. 

Joni Mitchell (Photo: Alan Katowitz)

Cinquante ans ont passé depuis cette soirée. Je n’étais même pas née il y a cinquante ans, et pourtant, l’écoute des enregistrements du spectacle et du discours d’Irving Stowe me donne quand même la chair de poule. Greenpeace a beaucoup changé depuis ses débuts, c’est vrai. Aujourd’hui, nous sommes une organisation mondiale de premier plan, présente dans plus de 55 pays d’Europe, d’Amérique, d’Afrique, d’Asie et du Pacifique, connue pour ses valeurs inébranlables et sa longue histoire d’actions pour lutter contre les injustices environnementales et promouvoir des solutions vertes.  

Malgré les changements inévitables qui ont accompagné notre croissance et notre évolution, il est indéniable qu’un petit quelque chose de ces premiers moments est toujours intact, toujours là. Un petit quelque chose qui me fait me sentir proche de ces gens qui applaudissaient le discours d’Irving Stowe, et qui chantaient avec Joni Mitchell. Un agréable sentiment qui me rend fière de faire partie de cette organisation, de cette famille, et qui me fait parler de chacun·e de mes collègues avec respect et admiration. 

« Qu’est-ce que Greenpeace a de si spécial ? », pourrait-on se demander. Hier comme aujourd’hui, la réponse est la même : ce sont les gens. Ce sont les bénévoles, les militant·es, les allié·es, les sympatisant·es, les équipes, les groupes locaux, les « green speakers« . Ce sont les valeurs que ces personnes défendent, leur passion et leur compassion, leur foi farouche en un avenir vert et pacifique. 

Greenpeace, c’est avant tout des gens. 10 000 d’entre eux ont participé au concert d’Amchitka, qui a permis de financer la première action de notre nouvement. (Photo: Alan Katowitz)

Greenpeace, c’est la femme dans la quarantaine à bord d’un autobus public qui a enlacé une de nos employées qui portait un t-shirt de Greenpeace. Cette employée était en direction de la marche pour le climat, qui a rassemblé 500 000 personnes dans les rues de Montréal, pour y donner un coup de main. La dame lui a simplement dit : « Merci. Pour moi. Pour mes enfants. » Ça, c’est le visage derrière Greenpeace. 

Greenpeace, c’est le garçon de 10 ans qui s’est rendu au poste de police de Vancouver où des militant·es étaient détenu·es après avoir bloqué un pont pour protester contre l’expansion de l’exploitation des combustibles fossiles. En s’adressant au personnel de Greenpeace sur place, il a expliqué qu’il avait suivi l’action en écoutant les nouvelles avec ses parents, et que les activistes étaient ses héros, ses héroïnes. Il a donc demandé à ses parents s’il pouvait leur apporter des beignets. La famille s’est rendue dans un magasin de beignets végétaliens avant d’aller attendre devant le poste de police. Ça, c’est la communauté Greenpeace. 

Greenpeace c’est Isobel, 5 ans, qui discutait de son prochain anniversaire avec ses parents lorsqu’elle a décidé que la planète avait plus besoin de cadeaux qu’elle. Alors, au lieu de recevoir des cadeaux comme d’habitude, Isobel a demandé aux ami·es qui sont venu·es à sa fête “trampoline” (oui, c’était avant la COVID) de faire un don à Greenpeace.  Ça, c’est  le cœur de Greenpeace.

Greenpeace c’est aussi notre directrice adjointe, Farrah Khan, qui nous pousse toutes et tous à continuer à faire un travail de décolonisation, d’antiracisme et de justice, aussi bien dans notre vie personnelle que  dans notre travail. Nous avons la réputation d’être une organisation audacieuse, qui prend des risques, qui expose de dures vérités et qui travaille sans relâche pour ce qui est juste. Nous appliquons aussi avec courage cette audace, cette quête de vérité sur nous-mêmes, sur notre organisation. Ça, c’est l’esprit de Greenpeace.

Ce jour-là, il y a 50 ans, le concert d’Amchitka n’a pas seulement aidé à lancer une expédition en bateau, mais aussi Greenpeace, ajoutant un nouveau chapitre à une riche histoire de démarches environnementales réalisées par des communautés du monde entier. Les valeurs, les croyances et la passion pour un avenir meilleur qui ont poussé les Stowes et les Bohlens à organiser cet événement historique sont toujours au cœur de l’organisation aujourd’hui : des valeurs inspirées des principes quakers de désobéissance civile non violente, du besoin de se tenir debout face aux instances de pouvoir afin d’exposer la vérité et d’engagement à lutter pour la justice sociale.

Paul Côté, Jim Bohlen, Irving Stowe au départ de Greenpeace vers Amchitka, expédition qui fût financée par le concert d’Amchitka (Photo: Robert Stowe)

Greenpeace était en cette nuit d’octobre, et l’est encore aujourd’hui, le rassemblement d’un million d’actes de courage, provenant du monde entier. Des gens normaux qui font des choses grandioses pour défendre ce en quoi ils croient, pour défendre notre planète. Quand je regarde ce que font les sympatisant·es de Greenpeace à travers le monde, je ne peux m’empêcher de penser « c’est de cela que sont faits les livres d’histoire ». 

Merci Irving et Dorothy Stowe, Jim et Marie Bohlen ainsi qu’à toutes les personnes qui ont rendu ce concert possible. 

Et merci à vous toutes et tous les “Greenpeacers” qui m’étonnez chaque jour et me permettez de croire qu’ensemble, nous pouvons construire un avenir meilleur.